Au fond de mon lit, je peine à me réveiller. Un bruit m’embête, dont je n’arrive pas à me détacher. Je sors de mon lit et poursuis ce « cliquetis-clac, cliquetis-clac » qui résonne dans ma tête. J’arrive dans mon salon, et, ô vision d’horreur, une dizaine de machines à coudre sur pattes se ruent vers moi, cliquetant et claquant leurs immenses aiguilles sur leur plaques. CLAC-CLAC-CLAC, je tente de m’enfuir et cours vers la cuisine. Je pousse la porte et ferme à double-tour derrière-moi.
Je me sens enfin en sécurité lorsque j’entends, derrière-moi, le bruit métallique d’une épée sortie de son fourreau. Je lâche le verrou de la porte, me retourne lentement, et observe, stupéfait, une demi-douzaine de couteaux de cuisine flottant dans les airs au-dessus du bloc à couteaux. Je me saisi d’une planche à découper démesurément grande qui gît sur le plan de travail, et intercepte les couteaux qui se plantent les uns après les autres dans le bois après s’être jetés sur moi. Je sécurise le tout en enroulant la planche et les couteaux d’une bonne trentaine de tours de film alimentaire, et tente de rejoindre, accroupis pour plus de discrétion, la porte d’entrée de la maison.
Soudain, une goutte me tombe sur le nez. Je sursaute, croyant à nouvelle attaque. Puis je m’essuie le visage avec la paume de ma main, que je place ensuite devant mes yeux. Voilà ma main noire de ce qui semble être de l’encre de chine. Je lève les yeux au plafond et observe une large tâche noire d’où perlent des gouttes d’encre. Je monte les escaliers pour atteindre l’étage et déceler l’origine de ce phénomène.
Là-haut, feutres et pinceaux se battent en duels dans des joutes sans merci. L’encre voltige et je me protège derrière un mur pour ne pas être éclaboussé. Au sol gisent trois pinceaux tombés au combat, baignant dans une flaque de leur propre encre quittant leur corps. Un bruit visqueux se fait entendre derrière moi et je me retourne brusquement. De l’argile au sol se meut par elle-même et prend forme humaine… ma forme ! C’en est trop ! Je prends mes jambes à mon cou et cours aussi vite que je peux vers la porte d’entrée.
J’y arrive enfin. Je me saisi de la poignée et j’ouvre la porte d’un grand geste. Je mets un pied dehors et me retrouve assis derrière mon bureau, dans les locaux d’Artesane, la marque du clavier de mon ordinateur imprimée sur la joue droite. Je crois que je me suis assoupi. Je regarde ma montre. Ah, il est l’heure. Mes affaires sont prêtes. Je prends ma plante Stéphane avec moi, et franchit pour la dernière fois le portail blanc d’Artesane.
Chères lectrices, chers lecteur, au revoir. Voici sur vos écrans ébahis mon dernier article publié sur le Journal Artesane, pixels noirs sur fond blanc formant les mots de mon départ. Cette aventure aura été belle, et je vous remercie toutes et tous d’avoir suivi mes écrits, ponctuellement ou régulièrement, et pour les retours que l’on a pu me faire. Treize mois déjà que je vous noie d’articles techniques, d’entretiens, d’histoire et de bobards (jamais de la vie, c’est pour la rime), et il est temps de laisser ma place à de nouvelles plumes. Je tenais tout de même à vous raconter une dernière histoire, dérives de mes pensées additionnées flottant dans l’eau vive de mon esprit.
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