Si pour vous, métier à tisser rime avec Moyen-Âge, tradition et tapisserie, la rencontre que je vous propose aujourd’hui avec Petra Marciniak, « tisserande moderne », comme la présente son site web, devrait vous faire changer d’avis. J’ai eu l’occasion d’échanger avec Pétra, lors de son tournage dans notre studio à l’occasion de la sortie du premier cours Artesane autour du tissage sur métier, à propos de son artisanat, de sa conception de celui-ci et de son activité de tisserande. Faufilant mes questions entre deux fils de chaîne, j’ai pu en apprendre énormément sur la création de tissus au métier. Avec Pétra, vous verrez qu’il n’y a pas de mythe de Pénélope qui tienne : laissez place à la modernité !
Le métier à tisser : d’où ça vient ?
Pour commencer, j’ai posé à Petra la question qui m’intéresse toujours quand je découvre une nouvelle discipline : quelle est l’histoire du métier à tisser ? Figurez-vous que le caractère historique, et même ancestral de cet artisanat n’intéresse pas du tout Petra ! C’est ce qu’on peut en faire maintenant, et comment on peut faire évoluer le travail au métier à tisser qui intéresse votre professeure. Malgré tout, pour satisfaire la soif du féru d’histoire que je suis, Petra m’a donné quelques informations.
Le tissage est en réalité l’une des plus vieilles activités humaines, dont les premières traces datent de la fin du néolithique, vers 3000 av. J.-C.
C’est un des plus vieux métiers. Tu as juste à fixer des fils sur deux bouts de bois et à tisser en travers pour faire des vêtements.
Le métier pour faire du tissu a donc toujours existé, mais son histoire prend un tournant au Moyen-Âge, lorsque de véritables métiers à tisser ont été développés, avec des systèmes mécaniques pour accélérer le mouvement. Cependant, comme je vous le disais, ce n’est pas cela qui intéresse Petra. J’ai donc poursuivi en lui demandant de m’expliquer le principe du tissage au métier.
Comment ça fonctionne ?
Voilà un sujet qui, je l’ai senti à travers l’enthousiasme de sa voix, convenait mieux à Petra. Le principe du métier à tisser est donc de produire un tissu le plus rapidement possible, en fixant dans un sens des fils, appelés chaîne, sur un métier, et de tisser perpendiculairement avec un autre fil appelé trame. C’est de cette manière, en croisant les fils, que l’on crée un tissu. Le métier permet d’aller beaucoup plus vite qu’en tricotant, par exemple, et d’être régulier.
L’idée de base est de faire un tissu rapidement. On peut répéter un motif très vite, et même tisser quarante mètres d’un même tissu, si on veut.
Pour tisser, on peut utiliser absolument n’importe quelle fibre, comme de la laine, du lin, du coton, de la soie… Absolument tout peut être tissé, selon Petra. Mais des matériaux moins communs peuvent également être travaillés au métier, comme le nylon, les fils métallisés, le plastique ou encore le cuir. Peu importe : selon Petra, tout est possible !
Qu’est-ce que cela permet de créer ?
Avec un métier un métier à tisser, on peut tout réaliser. « Et c’est même un peu le problème », nous dit Petra. Avant, il y a encore quelques dizaines d’années, on fabriquait surtout des tissus utilitaires – classiquement pour des vêtements, tapis, rideaux… –, mais Petra trouve cela ennuyeux et aimerait aller plus moins. Bien qu’elle crée beaucoup de tapis, car c’est un produit qu’elle adore, et de nombreux coussins, car c’est ce qui se vend le plus facilement, Petra aimerait explorer de nouveaux horizons avec son métier. Il est notamment possible de faire de l’ameublement en tissant de la toile pour des siège, par exemple. Mais ce qui passionne Petra, ce sont les très grandes décorations murales, d’un mètre sur deux, et mélangeant toutes les fibres. Ce sont ce genre de réalisations qui font dire à la tisserande que, si le tissage était autrefois seulement un artisanat, il se développe aujourd’hui pour devenir un véritable art.
Selon Petra, un véritable changement dans la conception du tissage peut se produire, entre le fait de produire quarante mètres d’un tissu avec le même point dans une laine unie, c’est-à-dire du pur artisanat, et aller chercher de nouveaux matériaux comme des métaux pour créer des objets d’art, des sculptures, ou de la décoration. C’est vers cette conception du tissage comme un art que Petra essaye de tendre au quotidien, bien qu’elle ne soit pas encore parvenue à atteindre complètement cet idéal. La tisserande est encore à mi-chemin entre l’utilitaire, avec les tapis et coussins qui constituent son gagne-pain, et les créations plus artistiques. Cependant, il est assez difficile de trouver une véritable clientèle à ce genre de produits.
Le tissage étant encore vu d’un assez mauvais œil en France, il est difficile de trouver un marché de la fabrication artistique de tissu. Pour les Français, de manière générale, le travail au métier à tisser n’est pas assez moderne, et même complètement vieillot. Petra trouve cela très compliqué de réussir à convaincre les gens qu’il est possible de réaliser des choses très modernes au métier. Ayant sous les yeux, pendant que lui parlais, les réalisation de Pétra, que je n’aurais pu désigner autrement que par le terme « moderne », ces derniers propos m’ont assez étonné. Voilà comment les explique Petra :
Même si c’est moderne, les gens ne comprennent que c’est moi qui ai fait le tissu. Comme ils ne connaissent pas le tissage, ils pensent que c’est juste de la couture. J’essaye un maximum de dire que le tissage peut être moderne, et j’espère que ce cours Artesane pourra encore un peu plus faire connaître cet art.
Vos débuts, vos inspirations ?
Avant le métier à tisser, Petra s’est essayée à plusieurs arts et artisanats : peinture, céramique, tricot… et c’est avec ce dernier qu’elle a développé son intérêt pour le travail des fibres. Ce qui intéresse Pétra, c’est de travailler directement les matériaux avec la couleur. Ainsi, ce qu’elle n’a pas apprécié avec la céramique par exemple, c’est qu’on crée la forme qu’on décore ensuite.
Concernant ses sources de motifs et de couleurs, Petra m’a tout de suite affirmé n’avoir aucune inspiration « traditionnelle » :
Je ne veux entendre ni le mot « traditionnel », ni le mot « moyenâgeux ». Tous ceux qui viennent dans mon atelier disent à leurs proches : « regarde, c’est comme au Moyen-Âge », et j’ai horreur de ça. J’essaye de trouver des inspirations ci et là au niveau des couleurs et de créer mes propres motifs.
Cependant, Petra est consciente d’avoir besoin d’une base existante afin de développer son propre art. Me désignant les réalisations qu’elle est en train de tisser derrière les caméras pour le cours Artesane, Petra me dit que ces motifs sont complètement inconnus en France. Certes, nous connaissons tous les diagonales ou les diamants, qui sont des motifs qui sont tissés et retissés depuis des siècles. Petra fait justement tout pour éviter de réaliser ce genre de motifs, car il y a, selon elle, déjà bien assez de gens qui le font.
La tisserande essaye donc de trouver dans le reste du monde, ou d’inventer, des motifs qu’on n’a pas encore vus dans l’hexagone. Mon regard se posant alors, derrière elle, sur un coussin de sa réalisation, je fais remarquer à Petra que ces motifs et ces couleurs vives, dans les teintes bleues et orange, me font penser à la Norvège et à ses maisons colorées. Et mon intuition ne m’a pas trompé, puisque ces motifs rectangulaires viennent en effet de Norvège, m’a confirmé Petra. Étant elle-même d’origine allemande, elle se plait à aller chercher des inspirations dans d’autres cultures.
Commencer à tisser
Avec ce cours Artesane, Petra espère donc toucher et initier au tissage sur métier toutes les personnes intéressées par la création de leurs propres tissus, tant du point de vue artisanal qu’artistique. Pour celles et ceux qui seraient d’Annecy ou de ses alentours, Petra propose aussi, dans son atelier, des cours d’initiation sur différents métiers. À ses côtés, vous pouvez par exemple réaliser des décorations murales sur des petits métiers qui s’apparentent à des cadres, afin de découvrir le tissage et s’y essayer une première fois, tout en repartant avec votre propre réalisation. Tout le monde peut se lancer : ce type de tissage est facile et ne nécessite pas beaucoup de matériel !
Petra propose aussi des cours sur métier à envergure, comme celui qu’elle présente dans son cours Artesane.
Là, c’est vraiment du tissage. On peut enrouler le tissu à l’avant et à l’arrière du métier, donc on peut déjà faire quatre à cinq mètres de tissu. C’est assez simple à utiliser, léger et pas très cher. C’est le métier parfait pour les débutants qui veulent se mettre au tissage.
Enfin, Petra propose des cours sur grands métiers avec pédales et cadre. Mais, ce genre de métier étant plus imposant et contraignant, il faut plus de temps pour le maîtriser, et il faut en avoir un chez soi pour pouvoir pratiquer. Le métier à envergure est donc parfait pour commencer le tissage. Il est possible de s’en procurer sur des sites internet français, bien que les métiers soient étrangers. Celui qu’utilise Petra dans son cours est Néo-Zélandais, et vaut environs 180€, pieds compris. En fonction de la taille et des accessoires, vous pouvez trouver des métiers à envergure à partir de 130€.
Vous l’aurez compris, évitez de parler de Moyen-Âge dans l’espace forum du cours de Petra ! En revanche, en vous procurant le cours, vous pourrez apprendre à manipuler le métier à envergure et à tisser trois magnifiques motifs modernes, et vous initier à la création de vos propres motifs. Petra est ravie de pourvoir partager son art d’assembler les fils avec vous, et espère que, comme elle, vous tomberez de passion pour les libertés de création qu’il propose. Pour vous procurer le nouveau cours de Petra Marciniak, c’est par ici !
À bientôt chez Artesane !
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