Apprendre à réaliser les différents types de meringue, c’est ce que vous propose la pâtissière Armelle Jany, dans cet article qui complète parfaitement le cours vidéo qu’elle anime à ce sujet. Explications théoriques et techniques, pas-à-pas, vous permettront d’aborder la maîtrise des meringues françaises, italiennes et suisses. Et comme notre pâtissière est une rêveuse, vous découvrirez quelques interludes narratifs sur fond bleu, dont on ne saurait dire s’ils appartiennent une quelconque réalité. Si néanmoins, vous voulez aller droit au but, survolez les sections sur fond bleu et passez directement au pas-à-pas technique sur fond blanc.
« Ding ! » La sonnerie d’alerte m’extirpe de ma rêverie tandis que la lumière du voyant de ceinture s’infiltre de plus en plus aisément dans la brèche de mes yeux mi-clos. « Mesdames et Messieurs, veuillez attacher vos ceintures. Nous entrons dans une zone de turbulence. »
L’œil maintenant grand ouvert et alerte, je le jette du côté du hublot pour constater par moi-même les fabuleux dangers promis par le commandant de bord : à ma gauche, à quelques milliers de kilomètres au-dessus de la côte italienne, j’observe un énorme amas blanc, solide, bruni par endroit : les nuages en cette contrée me semblent bien étonnants. Je n’ai pas le temps de m’attarder plus longtemps sur leurs formes semblables à de gigantesques becs d’oiseau, que le hublot se couvre d’un épais mélange scintillant. De la neige au printemps ?
Bravant tous les dangers et propulsée par ma curiosité intrépide, je prends soin de vérifier une seconde fois ma ceinture et entrouvre doucement le hublot pour plonger ma main dans la douce substance dont je rapporte un échantillon dans la cabine, ignorant les cris de pénibles passagers – il paraît que l’appel d’air aurait aspiré quelques-uns de leurs biens, futile préoccupation que ma découverte balaie bien vite.
J’observe la matière, la renifle, la goûte, la découvre de tous mes sens. Limitée par mes capacités humaines, je déploie mon laboratoire de poche dans l’allée – les plateaux-repas attendront – et je démarre mon étude de l’étrange substance. Elle me vaudra, quatre mois plus tard, le prix Nobel de pâtisserie : c’est ainsi que je découvre la meringue italienne, dont je vous livre ici tous les secrets.
Le manuel de la meringue italienne – Synthèse de mes recherches
Caractéristiques :
Un œil et un palet averti la reconnaissent à sa texture mousseuse et légère, ses reflets brillants et sa solidité. Mais si vos sens vous font défaut, fiez-vous à sa cuisson : c’est la seule meringue qu’on ne passe pas au four car elle est pré-cuite par un sirop de sucre cuit ajouté aux blancs d’œuf. Elle reste donc molle, et se teinte parfois de tâches brunâtres au passage du chalumeau.
Principales utilisations :
- La meringue italienne meringue ! Sur une tarte au citron, ou à toute autre saveur prête à accueillir ce doux nuage, la meringue italienne s’étale à la cuillère pour une apparence plus rustique, ou à la poche à douille pour vous précipiter dans les sphères de la haute pâtisserie. Elle est généreuse et n’hésite pas à venir s’étaler partout où l’on veut bien l’accueillir. En un mot comme en trois : meringuez, meringuez, meringuez ! Si vous avez envie d’apprendre à réaliser une tarte au citron meringuée parfaite, je vous invite d’ailleurs à visionner le cours vidéo sur les tartes classiques.
- Dans les macarons : pour des macarons bien lisses, croquants et moelleux à la fois, privilégiez une meringue italienne.
- Dans les crèmes et mousses : la meringue italienne s’incorpore avec plaisir à d’autres préparations pour leur donner une texture légère mais ferme. Dans le Saint-Honoré, par exemple, elle n’hésite pas à se mêler à la crème pâtissière pour former la crème chiboust qui garnit ce dessert classique.
- Dans vos souvenirs de jeunesse, vous comptez quelques guimauves grillées au coin du feu sur les notes d’une guitare mal accordée ? C’est probablement là que vous avez fait la rencontre de la meringue italienne, ingrédient de base des doux marshmallows.
Ingrédients (pour recouvrir 1 tarte) :
- 80g de blancs d’œuf
- 50g d’eau
- 160g de sucre en poudre
Matériel :
- Un batteur électrique à main ou un robot pâtissier
- Un thermomètre électronique
- Une casserole
- Un chalumeau (facultatif)
Préparation :
- Verser l’eau puis ajouter le sucre en poudre dans une casserole. Chauffer à 118°C.
- Un peu avant d’atteindre la température de 118°, monter les blancs en neige souple à vitesse moyenne.
- Verser le sirop en filet sur les blancs en continuant de fouetter jusqu’à refroidissement, en augmentant progressivement la vitesse du fouet jusqu’à atteindre la vitesse maximale. La meringue ainsi obtenue doit être très ferme.
- Vous pouvez ensuite utiliser directement votre meringue, et éventuellement la passer sous le chalumeau pour la colorer si elle est utilisée telle quelle.
Les principales pistes et meilleurs résultats de mes recherches :
- Pourquoi monte-t-on les blancs en neige souple et non ferme ? Si vous ajoutez le sirop dans des blancs très fermes, ils risquent de grainer, c’est-à-dire se désagréger et avoir un aspect granuleux car ils seront trop fouettés.
- Pourquoi 118° ? La meringue italienne nécessite une cuisson dite « au petit boulé », c’est-à-dire vers 121°. Alors on anticipe, et on prend ses précautions : le temps que le sirop cuit atteigne la meringue, il aura continué à chauffer et pris environ trois degrés.
- Mon sucre cuit n’est plus du tout liquide : que faire ? Si votre sirop de sucre prend la forme de cristaux durs, le sirop de glucose est votre ami : versez-en une ou deux cuillères dans votre sirop avant de chauffer, et votre sucre ainsi graissé sera contraint de rester sous forme de sirop.
- Je n’ai pas de thermomètre électronique : j’abandonne ? Non ! Une fourchette et un verre d’eau froide savent parfaitement le remplacer : trempez la fourchette dans le sirop, puis dans l’eau froide. Si vous obtenez une sorte de gel (pensez à de la glue séchée avec laquelle vous jouiez probablement enfant), le sirop est prêt.
- Je n’ai pas de chalumeau : je suis condamné(e) à garder une meringue blanche comme neige ? Non plus ! Le grill de votre four peut tout à fait colorer la meringue : la coloration est plus homogène et moins dirigée, mais cela fera parfaitement l’affaire. Surveillez bien toutefois : cela va très vite !
Deux années ont passé, et mon nom est retombé dans l’oubli. Tous les pâtissiers recouvrent désormais leur tarte au citron de ma meringue, sans qu’aucun ne m’adresse la moindre gratitude pour la façon dont j’ai, aux risques et périls de ma vie et celle de trois cents passagers, redonné du panache à nombre de leurs banals desserts. Je suis las de cuisiner nuit et jour de la meringue italienne, car cela fait longtemps déjà que j’ai trouvé sa formule la plus parfaite. Je m’ennuie, et je tombe petit à petit dans de bien tristes penchants… c’est décidé, je repars en voyage, direction la France. Ah, Paris… Bien vite, je m’assoupis de nouveau dans le doux ronronnement du réacteur.
« Ding ! » Décidément, cela devient pénible, toutes ces injonctions automatiques d’un appareil qui se fiche bien de me parler par le seuil biais de sons autoritaires. Je n’ai pas le temps de râler plus longtemps, que je saisis bien vite le comique de répétition que la vie me joue là : la voix du commandant, le coup d’œil au hublot, la masse blanche… D’un simple regard, je la sens différente, mais je ne saurais dire pourquoi : la réponse m’est apportée bien vite, par un léger soubresaut suivi d’une myriade d’éclats croustillants qui entourent l’avion, bien vite remplacés par de plus doux morceaux aux allures de barbapapa – ou de chewing-gum, je ne sais pas bien. Je hurle cette fois « Attachez vos ceintuuuuures et attrapez vos affaiiiiiiires » – j’ai appris depuis l’Italie à être plus prévenante avec mes compagnons de voyage – et je saisis une bonne douzaine de morceaux au travers du hublot, de toutes les structures que j’arrive à percevoir en si peu de temps.
C’est incroyable. Il y a là mille textures, mille sensations, que j’explore à nouveau de toutes les façons possibles, m’étalant du cockpit à la soute de l’avion, sous le regard effaré des hôtesses de l’air et les grognements de passagers avec lesquels je me suis pourtant montrée clémente – de gratitude, l’être humain ne semble que peu capable.
Je connais déjà l’issue de ce vol, et je m’en réjouis d’avance, sans pour autant négliger le travail qui m’attend une fois au sol. Trois mois passent, et je suis décorée d’un second prix Nobel de pâtisserie, pour avoir exploré et fait connaître la meringue française au monde.
Le manuel de la meringue française – Synthèse de mes recherches
Caractéristiques :
Est-ce la meringue du fainéant ? Sans doute, puisque c’est celle qui demande le moins d’étapes de préparation. Elle n’en reste pas moins complexe à maîtriser, si vous vous montrez exigeant avec sa texture : c’est croquante à l’extérieure et fondante à l’intérieure qu’on saura le mieux l’apprécier. Alors attention à la cuisson : trop cuite, vos dents se morfondront de ne pas y rencontrer un joyeux cœur tendre ; pas assez cuite, elles ne sauront plus que faire de ce chewing-gum / barbapapa qui les enlace d’un peu trop près.
Principales utilisations :
- A déguster tout simplement ! Cuite comme il faut, la meringue française se déguste seule : indépendante d’esprit, elle n’a besoin de personne pour se révéler sous vos palets ! Maintenant, si vous avez quelques fruits et une petite chantilly sous la main, elle ne rechignera pas à s’y allier pour former une sympathique pavlova…
- Dans les macarons : par curiosité, j’ai également testé les macarons avec une meringue française. Pas de doute, cela fonctionne aussi ! Néanmoins, j’admets lui préférer la meringue italienne, avec laquelle j’ai tendance à obtenir de meilleurs résultats esthétiquement. Maintenant, c’est à vous de tester et jeter votre dévolu sur l’une ou l’autre !
- Dans des biscuits : la meringue française est indépendante, certes, se montre également généreuse avec d’autres préparations ! Ajoutée dans certains biscuits, elle leur prête sans rechigner ses caractéristiques : le croquant et le fondant.
Ingrédients :
- 60g de blancs d’œuf
- 120g de sucre en poudre
Matériel :
- Un fouet (et beaucoup d’énergie !), un batteur électrique à main ou un robot pâtissier
Préparation :
- Monter les blancs à vitesse moyenne.
- Lorsque le fouet commence à laisser des traces, ajouter le sucre en poudre progressivement en le laissant bien se dissoudre après chaque ajout.
- Après avoir incorporé tout le sucre, augmenter la vitesse quelques instants pour serrer la meringue.
- Pour des meringues à déguster telles quelles : pocher directement la meringue et la cuire.
Les principales pistes et meilleurs résultats de mes recherches :
- Est-ce que je peux utiliser du sucre glace ? Oui, vous pouvez remplacer la moitié du sucre en poudre par du sucre glace pour obtenir une meringue brillante. Comment ? Soit en mélangeant ensemble sucre en poudre et sucre glace dès le début, soit en ajoutant à la maryse le sucre glace une fois la meringue montée. Attention à ne pas la casser !
- « La cuire », d’accord, mais combien de temps et à quelle température? Bien malin celui qui saura affirmer avec certitude durée et température une bonne fois pour toutes. Cela dépend de votre four et de la taille de vos meringues. Pour des petites meringues (de la taille d’une fraise, par exemple), comptez à partir de 45 minutes à 90°. Pour des meringues plus grosses, il faudra compter deux à trois heures. Augmentez la température si vous êtes plus pressé(e), mais attention à la coloration. De mon côté, en bonne scientifique, j’ai réalisé une série de tests de température et durée, et je vous les montre dans le cours vidéo dédié aux meringues : vous pourrez y visualiser les différences de résultat.
Le miracle s’est donc répété une fois, mais l’abattement qui s’en est suivi également. Quatre ans que je m’escrime à tester toutes les configurations de meringue française, et me voilà maintenant toujours déçue de découvrir une texture que j’ai déjà rencontrée plusieurs tests auparavant.
Serait-ce de la folie que de croire qu’un troisième voyage pourrait m’apporter de nouveau la gloire ? Probablement. Mais le proverbe a dit « jamais deux sans trois », et je ne peux m’empêcher d’être parfois bêtement et superstitieusement confiante en ces phrases assénées sans véritable fondement : me revoilà en l’air. Au hasard, j’ai choisi la Suisse.
Cette fois-ci, je ne dors pas ; je guette. Le son du voyant de ceinture, la phrase du commandant : cela ne devrait plus tarder. Je croise les doigts et tous mes membres qui peuvent l’être : autant vous dire que ma position en surprend plus d’un, tandis que ma gorge se noue d’angoisse et d’excitation.
Un choc terrible soudain se produit. Ce ne sont plus des éclats moelleux cette fois qui nous entourent, mais des météorites blanches, terrifiantes, qui partent en poussière et empêchent le commandant de guider l’appareil vers sa destination. La peur ne m’arrête pas : j’ouvre le hublot – les passagers sont de toute façon bien trop terrorisés pour me prêter la moindre attention – et attrape un énorme morceau que je peine à ramener dans la carcasse. Mon objectif atteint, je peux désormais me préoccuper de ma survie pendant que des hurlements bien inutiles retentissent dans tout l’appareil.
Je sors de ma valise cabine une grosse quantité de blanc d’œuf et de sucre, et fouette sans m’arrêter les ingrédients. Bien vite, je m’aperçois que la seule force de mon poignet ne saura pas monter le mélange à temps et que l’avion se rapproche dangereusement du sol. Une idée de génie me traverse l’esprit : ni une, ni deux, je rouvre le hublot et balance mon début de meringue dans le réacteur : les pales de l’appareil font bientôt gonfler démesurément la substance, avant de la rejeter.
C’est gagné ! La meringue française ainsi préparée tombe au sol, formant un gigantesque, formidable et doux tapis dans lequel l’avion s’enfonce doucement. J’ai de mon côté préservé mon éclat de meringue courageusement récolté, et je démarre mes recherches. Vous connaissez la suite : un troisième prix Nobel de pâtisserie pour la meringue suisse, que je maîtrise bientôt en profondeur.
Le manuel de la meringue suisse – Synthèse de mes recherches
Caractéristiques :
Avec la meringue suisse, on rentre dans le dur : c’est une meringue dense, entièrement craquante, plus sèche et moins aérienne. N’espérez pas vous enfoncer doucement dans un nuage moelleux et sucré : la meringue suisse ne plaisante pas, toute rigide qu’elle est !
Principales utilisations :
- A déguster, si vous aimez le croquant, le craquant, le croustillant ! Vous voyez les grosses meringues de boulangerie ? Bien souvent, elles sont suisses ! Par ailleurs, comme la meringue française, elle se prête parfaitement à une pavlova. Tout dépend de votre texture préférée !
- Pour les décors : lorsqu’on a passé quatre heures en cuisine à former de jolies meringues en forme de champignon, sapin de Noël ou licorne des mers (soyons inventifs), on n’a pas envie qu’une petite main baladeuse, qu’un coup de coude mal placé ou qu’un peu d’humidité de la crème vienne faire tomber nos œuvres en poussière. Alors on privilégie la meringue suisse, robuste et prête à supporter tous les heurts. Et si vous manquez d’inspiration pour des formes de décoration, jetez un œil au cours vidéo dédié aux meringues : sucettes, couronnes, lunes… colorées, bicolores, marbrées… après visionnage, votre cerveau devrait fourmiller d’idées !
Ingrédients :
- 60g de blancs d’œuf
- 120g de sucre en poudre
Matériel :
- Un fouet (et beaucoup d’énergie !), un batteur électrique à main ou un robot pâtissier
Préparation :
- Mettre les blancs d’œuf et le sucre en poudre sur un bain-marie.
- Fouetter au fouet à main ou au batteur électrique jusqu’à ce que la température atteigne 50°.
- Continuer de fouetter hors du bain-marie jusqu’à refroidissement (au fouet, au batteur ou au robot), en augmentant progressivement la vitesse du fouet.
- Pocher directement la meringue et la cuire.
Les principales pistes et meilleurs résultats de mes recherches :
- Est-ce que je peux utiliser du sucre glace ? Oui, comme pour la meringue française : vous pouvez remplacer la moitié du sucre en poudre par du sucre glace pour obtenir une meringue brillante, soit en mélangeant ensemble sucre en poudre et sucre glace dès le début, soit en ajoutant à la maryse le sucre glace une fois la meringue montée.
- « La cuire », d’accord, mais combien de temps et à quelle température? Comme pour la meringue française, tout dépendra de votre four et de la forme de vos meringues. Les températures et durées indicatives données pour la meringue française restent vraies, mais je vous invite de nouveau à faire des tests avec votre propre four pour trouver votre texture parfaite !
- Cette meringue est donc indestructible… pourquoi ? Grâce à la chaleur. En synthèse, la chaleur permet d’obtenir une meringue dense et serrée. Et cela, grâce à l’action sur les protéines : pour en savoir plus, je vous invite à chercher dans toutes les librairies un exemplaire de mes recherches complètes – mais tous les tirages ayant été vendus, cela risque de s’avérer ardu –, ou plus simplement à vous procurer le cours vidéo dédié aux meringues !
Je pourrais me lancer dans un nouveau voyage, et les journalistes tous les jours à mes portes ne cessent de me demander pourquoi je ne suis pas déjà à l’aéroport. La réponse est simple : par les dangers grandissants de chacune de mes découvertes successives, on m’adresse un message. La prochaine meringue sera celle de trop, et je risque d’y laisser mes plumes. Ce sera donc ma dernière découverte, et je m’endors chaque soir le sourire aux lèvres, entourée d’une fidèle armée de meringues de toutes les nationalités connues. Je vous laisse le soin, si vous sentez en vous l’âme d’un aventurier, de tenter le quatrième voyage… (et sinon vous pouvez toujours m’accompagner pour un safari plus apaisé au pays des meringues dans mon dernier cours vidéo sur le sujet où je vous apprends les techniques, les tours de main, les dressages et toute la chimie des meringues : j’ai encore nombre de secrets à vous faire découvrir, rejoignez-moi !)
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