Ah… les pâtes à tarte, voilà l’une des dimensions incontournables de la pâtisserie. Maîtriser la pâte brisée, la pâte sucrée et la pâte sablée vous permettra de constituer le socle technique et savoureux de toutes vos tartes. Armelle Jany, professeure de pâtisserie sur Artesane, vous livre dans cet article les gestes techniques et les recettes essentielles pour apprendre à réussir ces trois pâtes. Et comme notre professeure est malicieuse, elle relate au sein d’interludes narratifs les étonnants exploits des apprentis pâtissiers qui l’accompagnent. Pour vous concentrer uniquement sur les aspects didactiques de son article, survolez les parties sur fond bleu et rendez-vous directement aux listes d’ingrédients et aux indications de préparation des pâtes qui sont extrêmement détaillées et progressives.
« Les enfants, on va démarrer ! Devant vous, vous avez tous les ingrédients qu’il vous faut pour préparer vos pâtes à tartes. Attachez vos tabliers, on commence. Vous êtes prêts ? »
Devant moi, les trois petites têtes d’Axelle, Anna et Joseph me regardent avec plus ou moins de concentration. Axelle attend patiemment mes premières instructions, Anna a déjà les mains enfoncées dans le beurre, tandis que Joseph… où est Joseph ? Ah, le voilà, à quelques pas derrière moi, les mains tendues vers le présentoir à couteaux dont je l’écarte aussitôt. Je ramène mes trois commis autour de la table, et je me prépare pour une séance de pâtisserie qui s’annonce sportive.
« Anna, tu m’as l’air motivée pour commencer, allons-y ! On va démarrer tout de suite la pâte brisée. Tu peux commencer par retirer le beurre collé à tes doigts et le remettre dans le bol. » Anna démarre son mélange avec plus ou moins de précision : elle dépose dans un cul-de-poule ce qu’elle a réussi à sauvegarder du beurre, ajoute quelques grammes de sel – je hurle « Stop ! » lorsque je vois le couvercle de la salière se dévisser lentement mais sûrement –, puis la farine et le sucre glace que son enthousiasme un peu brusque soulève en un nuage de poussière qui manque de l’étouffer. Elle commence à sabler le mélange entre ses deux petites mains : « on dirait un bac à sable ! », s’étonne-t-elle. J’ajoute l’œuf, et lui indique de poursuivre le mélange en s’arrêtant dès que la pâte est amalgamée.
Axelle, jusque-là très concentrée, s’ennuie que je ne lui prête plus attention. Elle s’est mise à casser des œufs frénétiquement à même la table… Je rattrape les œufs qui roulent dangereusement vers le rebord du plan de travail et nettoie l’omelette préparée par Axelle, puis reviens à Anna… qui s’est lancée avec Joseph dans la préparation d’un joyeux château de sable avec la pâte ! Bon, ben pour une pâte pas trop travaillée, on repassera…
La pâte brisée
Ingrédients et caractéristiques
C’est un mélange non pétri d’eau, de farine, de matière grasse, de sel, et éventuellement de sucre :
- Non pétri, car la règle d’or de la pâte à tarte est de ne pas trop la travailler : plus on travaille une pâte qui contient du gluten (dont est composée la farine), plus elle acquiert du « corps » et se « corse » en développant un réseau glutineux qui la rend élastique. Il sera alors plus difficile de l’étaler et elle se rétractera à la cuisson : votre pâte risque donc d’avoir des bords un peu courts…
- La farine : on choisit plutôt de la T55, dite farine « faible » (par opposition aux farines de force, idéales pour les pâtes élastiques ou levées), qui limite l’élasticité de la pâte et sa rétractation à la cuisson.
- L’eau : elle sert de liant dans cette pâte brisée. Pour plus friabilité, on peut la remplacer/compléter par un jaune d’œuf ou un œuf.
- La matière grasse (beurre) : on souhaite un beurre tempéré (maintenu à température ambiante au moins une demi-heure à l’avance) pour éviter la formation de grumeaux.
- Le sel : il a plusieurs atouts ! C’est un exhausteur de goût ou de sapidité (il rehausse la saveur de la pâte) et un agent de coloration.
La pâte brisée est une pâte souple, grâce à la quantité de beurre qui la compose, peu friable car elle ne contient que peu de sucre par rapport à d’autres pâtes. Elle reste néanmoins un peu friable, cassante mais pas sèche. Elle va gonfler un peu à la cuisson sous l’action de l’eau qui s’évapore grâce à la chaleur du four.
On entend parfois parler également de pâte à foncer. Certains affirment que la pâte brisée est utilisée pour des tartes salées tandis que la pâte à foncer s’utilise pour des préparations sucrées, mais cette règle n’est pas intangible : alors, pas de panique si les termes sont parfois inversés dans vos recettes préférées !
Utilisations
La pâte brisée s’utilise traditionnellement pour des pâtes garnies avant cuisson : on ajoute la garniture (crème, fruits…) avant de l’enfourner et l’ensemble cuit ensuite tranquillement. Il est donc inutile de piquer à la fourchette cette pâte, puisque la garniture maintient la pâte bien plaquée – cela est même fortement déconseillé pour une garniture liquide, qui risque de profiter de cette échappatoire pour s’écouler par le dessous de la tarte !
Elle est en toute logique habituellement utilisée dans des tartes normandes, alsaciennes, aux pommes, Bourdaloue…
Néanmoins, il est également possible de la cuire à blanc, c’est-à-dire sans garniture.
Préparation par sablage
La pâte brisée se prépare par sablage : une technique qui consiste à sabler ensemble le beurre et la farine, pour obtenir un résultat aux allures de plage de sable fin. Lors du sablage, le beurre va prendre la forme de petits morceaux imperméabilisés car entourés de farine.
Il existe plusieurs méthodes pour sabler :
- Au robot, avec la feuille : c’est une méthode sûre, qui permet d’obtenir un sablage très fin en ne chauffant pas le beurre.
- A la main, en travaillant du bout des doigts le mélange pour l’effriter. Attention à ne pas sabler trop longuement : la chaleur des mains risque de faire fondre le beurre et obtenir un mélange non sableux.
- A la corne: c’est un très bon compromis, qui ne nécessite pas l’usage du robot mais ne chauffe pas non plus la pâte.
Recette (pour une pâte à tarte brisée)
- 180g de farine T55
- 3g de sel
- 25g de sucre en poudre
- 100g de beurre tempéré
- 30g d’eau
- Dans un bol, rassembler la farine, le sel, le beurre et le sucre. Sabler le mélange à la feuille du robot, à la main ou à la corne.
- Ajouter l’eau en une fois et mélanger la pâte à la main, corne ou robot : cesser de travailler la pâte dès qu’elle est amalgamée, elle n’a pas besoin d’être parfaitement homogène. Si la pâte ne s’amalgame pas, ajouter un peu d’eau. Si au contraire, elle devient collante, ajouter de la farine.
- Décuver la pâte (la retirer de son contenant et la mettre sur le plan de travail) et la fraser à la main : l’écraser en quelques coups de paume de main pour la rendre homogène en éliminant les éventuels morceaux de beurre.
- Former une boule et l’aplatir en forme de disque (elle sera ensuite plus simple à étaler en cercle), la filmer pour éviter la formation d’une croûte puis la laisser reposer au moins 30 minutes au réfrigérateur : elle va ainsi devenir plus ferme et cela limitera son élasticité lors de l’étalage.
Un peu dubitative face aux constructions d’Anna et Joseph, je propose à Axelle de démarrer sa préparation de pâte sucrée – tandis qu’une deuxième tour s’ajoute au château fort. Elle crème ensemble le beurre pommade et le sucre, puis ajoute l’œuf et le sel : jusque-là, pas de catastrophe majeure, je reprends espoir. Cette pâte à tarte ira peut-être au bout ! Elle forme à la spatule une substance relativement homogène, puis nous déversons dans le bol la farine. Il va maintenant falloir fraser la pâte : je l’aide à la verser sur le plan de travail, et lui montre le geste, qui consiste à écraser la pâte avec sa paume de main. « A ton tour maintenant ! »
Axelle regarde la pâte d’un air méfiant et en approche doucement sa main. Elle tâte la pâte, semble l’apprivoiser peureusement, déploie sa main, et commence à appuyer de sa force d’enfant. Elle se met soudain à pleurer : « j’ai les mains sales maintenant », bégaie-t-elle entre deux sanglots. Je m’interroge effarée sur ce qui a poussé Axelle à vouloir suivre un atelier de pâtisserie… sans jamais y mettre les mains ! Je tente de la raisonner sur l’absolue normalité de cette situation, mais son inconfort semble prendre le dessus. Je l’emmène à l’évier se nettoyer les mains, tandis que la pâte trône étalée dans sa longueur sur la table, en une mare beige qui semble former les douves du château fort.
La pâte sucrée
Ingrédients et caractéristiques
C’est un mélange non pétri de farine, de matière grasse, de sel, de sucre et d’œuf. Les fonctions de chaque ingrédient ne changent pas, par rapport à la pâte brisée. Seules différences : le sucre et l’œuf permettent d’obtenir la texture friable caractéristique de cette pâte. On l’appelle « pâte sucrée » car elle contient plus de sucre que de beurre (contrairement à la pâte sablée que vous retrouvez à la fin de cet article).
Pour le sucre, vous pouvez choisir du sucre en poudre ou du sucre glace : avec le sucre en poudre, vous obtiendrez une texture plus cassante ; avec le sucre glace, une texture plus fondante.
Sa texture est croustillante, compacte, c’est une pâte résistante.
Utilisations
La pâte sucrée est une pâte que l’on peut cuire à blanc (c’est-à-dire non garnie) ou garnie : à vous de choisir en fonction du contenu de votre tarte ! Tarte au citron, tarte aux pommes, tarte chocolat, tarte aux fruits… Je m’arrête là, plutôt que de risquer de vous dresser un inventaire à la Prévert.
Elle s’utilise également pour réaliser des biscuits simples, en étalant la pâte puis en l’étalant à l’emporte-pièce.
Si on la cuit à blanc, il est conseillé de prendre quelques précautions : l’air retenu sous la pâte risque de faire gonfler démesurément votre pâte, qui ressemblera alors à un soufflé ! Il existe plusieurs techniques :
- Les traditionnels coups de fourchette, qui en perçant la pâte permettront à l’air de s’échapper en cours de cuisson.
- Les billes de cuisson, placées sur la pâte protégée par un papier sulfurisé, maintiendront la pâte plaquée durant la cuisson.
- Retirer la bulle d’air en cours de cuisson: lorsque la bulle atteint son volume maximum (il faut bien la surveiller), la soulever légèrement pour laisser l’air s’échapper.
Préparation par sablage ou crémage
La pâte sucrée se réalise par sablage ou par crémage. Je ne reviens pas sur la technique du sablage, expliquée précédemment : concentrons-nous sur le crémage.
Le crémage consiste à « crémer » (on s’y attendait) le beurre mou et le sucre pour obtenir un mélange souple, à la feuille du robot ou à la spatule. Le beurre utilisé doit être pommade, c’est-à-dire très mou mais pas fondu. Vous pouvez le ramollir au micro-ondes. Une petite astuce de prudence : conservez une petite partie prélevée du beurre à l’extérieur du micro-ondes ; en cas de fonte, sa réintégration permettra de rééquilibrer la texture.
Le crémage permet d’obtenir une texture plus fine et très friable : la pâte est ainsi très croustillante, mais également plus difficile à travailler. Elle nécessitera un plus long repos au froid pour la rendre plus ferme et faciliter le fonçage.
Recette (pour une pâte à tarte sucrée) – Par crémage
- 250g de farine T55
- 3g de sel
- 125g de sucre glace (ou sucre en poudre)
- 120g de beurre pommade
- Environ 50g d’œuf (un œuf entier)
- Crémer le beurre et le sucre glace à la feuille du robot ou à la spatule. Le mélange obtenu doit être homogène.
- Ajouter l’œuf et le sel et mélanger.
- Ajouter la farine en une fois et mélanger la pâte sans trop la travailler : cesser de travailler la pâte dès qu’elle est amalgamée, elle n’a pas besoin d’être parfaitement homogène. Si la pâte ne s’amalgame pas, ajouter un peu d’œuf. Si au contraire, elle devient collante, ajouter de la farine.
- Décuver la pâte (la retirer de son contenant et la mettre sur le plan de travail) et la fraser à la main : l’écraser en quelques coups de paume de main pour la rendre homogène en éliminant les éventuels morceaux de beurre.
- Former une boule et l’aplatir en forme de disque (elle sera ensuite plus simple à étaler en cercle), la filmer pour éviter la formation d’une croûte puis la laisser reposer au moins 30 minutes au réfrigérateur : elle va ainsi devenir plus ferme et cela limitera son élasticité lors de l’étalage.
Je dois bien avouer que je commence à perdre patience… mais tout n’est pas perdu ! Joseph révélera-t-il ses dons de pâtissier lors de cette troisième tentative ? Nous nous lançons ensemble dans une pâte sablée. Farine, beurre, sel, sucre : notre sable est prêt – une partie tout du moins, puisque Joseph en a grignoté un bon quart tout au long de la préparation. J’ajoute l’œuf – j’ai appris désormais à ne plus laisser de fragile coquille sous la responsabilité de ces petits êtres destructeurs – et nous entamons le mélange. Je peux tranquillement fraser la pâte tandis que Joseph s’escrime à apprendre à faire des galipettes – la plus grande qualité de cet enfant est peut-être tout compte fait de se déconcentrer facilement –, puis je montre à Joseph, qui se plaint d’une douleur à l’épaule infligée par ses tentatives d’acrobate, comment la former en boule pour préparer son passage au froid.
Il semble bien comprendre la technique et décide de la répéter. Il arrache des petits bouts de pâte qui s’effritent à chaque arrachage, et forme une série de billes bien rondes, ignorant mes demandes de tout rassembler – au moins, me dis-je pour me consoler, il apprend le geste ! C’est que je n’avais pas anticipé la suite : je vois Joseph se saisir une à une de ses billes, puis les jeter vigoureusement sur le château fort, en hurlant « : « Boulet de canoooon ! » entre deux éclats de rire, tout à fait réjoui de sa trouvaille.
La pâte sablée
Ingrédients et caractéristiques
C’est un mélange non pétri de farine, de matière grasse, de sel, de sucre et d’œuf : rien de nouveau par rapport à la pâte sucrée. Comme dans cette dernière, le sucre et l’œuf créent sa texture friable. Qu’est-ce qui fait donc la différence de cette nouvelle pâte ? C’est tout simplement la quantité de beurre, plus importante que celle de sucre. Elle permet d’obtenir une texture sableuse, d’où elle tire son nom !
Encore une fois, ces règles ne sont pas pour autant des vérités absolues. Il arrivera ainsi qu’un pâtissier un peu moins rigoureux ajuste les proportions et que l’on trouve des pâtes sablées contenant plus de sucre que de beurre, et inversement pour les pâtes sucrées. Le résultat sera bon dans tous les cas et c’est ce qui compte !
Utilisation
Comme la pâte sucrée, la pâte sablée peut être cuite à blanc ou garnie. On prendra donc les mêmes précautions en cas de cuisson à blanc, pour éviter des difformités malheureuses dans votre pâte. Cette pâte conviendra à tout type de tarte, alors amusez-vous avec les garnitures et proposez aussi bien les grands classiques de la pâtisserie que des expérimentations étonnantes.
Et surtout, la pâte sablée sera votre pâte de prédilection pour réaliser des petits sablés découpés à l’emporte-pièce : sa texture sableuse en fera des biscuits savoureux, à déguster à toute heure de la journée !
Préparation par sablage ou crémage
Encore une fois, les points communs avec la pâte sucrée sont nombreux : sablage ou crémage, vous avez le choix. Même si la proximité textuelle nous invite logiquement à aller du côté d’un sablage en bonne et due forme, les deux techniques sont tout à fait acceptées.
Et comme vous savez déjà tout de ces deux méthodes grâce aux deux pâtes précédentes, je m’arrête là !
Recette (pour une pâte à tarte sablée) – Par sablage
- 250g de farine T55
- 3g de sel
- 125g de sucre glace (ou sucre en poudre)
- 150g de beurre tempéré
- Environ 50g d’œuf (un œuf entier)
Par crémage, il suffit d’effectuer les mêmes étapes que pour la pâte sucrée : rien ne change.
Par sablage, c’est comme la pâte brisée en remplaçant l’eau par l’œuf :
- Dans un bol, rassembler la farine, le sel, le beurre et le sucre. Sabler le mélange à la feuille du robot, à la main ou à la corne.
- Ajouter l’œuf en une fois et mélanger la pâte à la main, corne ou robot : cesser de travailler la pâte dès qu’elle est amalgamée, elle n’a pas besoin d’être parfaitement homogène.
3. Décuver la pâte (la retirer de son contenant et la mettre sur le plan de travail) et la fraser à la main : l’écraser en quelques coups de paume de main pour la rendre homogène en éliminant les éventuels morceaux de beurre.
4. Former une boule et l’aplatir en forme de disque (elle sera ensuite plus simple à étaler en cercle), la filmer pour éviter la formation d’une croûte puis la laisser reposer au moins 30 minutes au réfrigérateur : elle va ainsi devenir plus ferme et cela limitera son élasticité lors de l’étalage.
Et n’oubliez pas : dans le cas de la pâte sucrée et de la pâte sablée, crémage et sablage sont interchangeables ! Maintenant que vous maîtrisez les deux techniques, n’hésitez pas à passer d’une méthode à l’autre pour observer les différentes textures.
Axelle et Anna hurlent et se lamentent de voir l’œuvre ainsi détruite – il faut dire qu’elles venaient de longuement travailler à l’échafaudage d’un pont-levis qui se voit anéanti par le dernier tir du garçon –, tandis que je m’assieds sur le plus proche tabouret, la mine déconfite face à cette scène de bataille moyenâgeuse que les beuglements ininterrompus, les jets de projectile et le délabrement général de la cuisine rendent particulièrement réalistes. A l’assaut !
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