Des outils et des ingrédients nécessaires au processus chimique et aux gestes à maîtriser pour réussir le foisonnement des blancs d’oeufs et le serrage de la meringue, la pâtissière Armelle Jany, vous détaille les secrets de fabrication d’une meringue. Mais notre pâtissière est une rêveuse et entre deux pas-à-pas théoriques et techniques, elle n’hésite pas à vous raconter une autre histoire, plus romancée sans doute mais non moins rocambolesque. Si vous voulez vous concentrer uniquement sur les aspects techniques, contentez-vous de survolez les écrits sur fond bleu et allez directement aux parties sur fond blanc. Et si vous voulez retrouver Armelle Jany en chair et en os et approfondir votre apprentissage sur les meringues, retrouvez là dans tous ses cours vidéo de pâtisserie sur Artesane.
J’ai été séparé de mon âme sœur il y a quelques secondes. Elle qui m’enlaçait, tout autour de moi, me protégeant des agressions extérieures à notre petit cocon ovale ; elle s’en est allée. Tout s’est passé en une fraction de seconde : nous avons entendu un choc sourd, venu du dehors, et notre coquille soudain s’est fissurée. J’ai aperçu une très vive lumière, et mon compagnon d’aventure s’est écoulé prestement hors de notre habitacle, tandis que je fus à mon tour éjecté de mon abri vers un récipient en verre dans lequel je réside maintenant, exposé à toutes les agressions possibles – la lumière, la chaleur, l’air. Je peux toujours le deviner, dans ce gigantesque bol en inox à l’autre bout du plan de travail, se demander lui aussi où je suis passé et quel triste sort nous réserve l’avenir. Mon blanc d’œuf s’en est allé, et je reste seul, jaune d’œuf abandonné, arraché sans ménagement à tout ce que j’ai connu jusque-là.
J’observe mon nouvel environnement et je ne reconnais rien ni personne. Je suis affolé par ces milliers de minuscules grains blancs qui piaillent et roulent partout, se répandant sans vergogne sur le marbre. Eux au moins ne peuvent pas m’atteindre : je crains plus encore cette poussière volatile hyperfine, qui plane d’un air menaçant au-dessus de mon habitat, s’approchant doucement de ma surface. Et surtout, je guette apeuré le moindre mouvement de la part d’un de ces outils de torture, qui me toisent d’un air aussi hostile que goguenard : je les entends s’interpeller des noms de « fouet », « maryse » et « douille ». Douille… n’aurait-ce pas un lien avec les armes à feu ?
Je n’ai pas le temps de trembler plus longtemps, que mon récipient se soulève et rejoint le doux froid du réfrigérateur. Je tergiverse entre le soulagement de retrouver un environnement connu, loin de ce champ de bataille, et le déchirement de me retrouver à une telle distance de mon délicieux blanc d’œuf.
La meringue : ingrédients et matériel
De notre point de vue moins dramatique, ce ne sont pas des instruments de torture qui s’apprêtent à s’attaquer au blanc d’œuf, mais de bons ustensiles de cuisine. Pour préparer une meringue, vous aurez besoin de :
- Un fouet, un batteur électrique à main ou un robot pâtissier. Si vous avez beaucoup d’énergie, vous pouvez choisir la première option ! Mais si vos triceps se montrent réticents et que vous souhaitez une belle meringue bien ferme, privilégiez les deux autres.
- Une maryse: elle sera utile si vous décidez d’ajouter du sucre glace en fin de course dans votre meringue.
- Une poche à douille et des douilles de votre choix : pour donner une belle forme à la meringue. Si vous n’en avez pas, pas de problème : vous pouvez tout à fait utiliser une simple cuillère ; bien maniée, elle pourra donner de beaux modèles de meringue également. Pour découvrir différents pochages en fonction des outils que vous avez à votre disposition, vous pouvez visionner le cours vidéo sur les meringues.
Dépassons les peurs de notre pauvre jaune d’œuf, et familiarisons-nous maintenant avec les ingrédients :
- Des blancs d’œuf. Il faut commencer par les clarifier, c’est-à-dire séparer les blancs des jaunes. Attention à ne pas avoir de jaune dans les blancs !
- Faut-il donner un coup de pouce aux blancs d’œuf ? Vous pouvez, mais pas avec n’importe quoi. Le sel ? On tend à éviter aujourd’hui : le sel peut avoir des effets assez contradictoires sur la montée des blancs, donc dans le doute, évitons. Le citron ou un autre acide ? Absolument ! Il va accélérer la montée des blancs. Pour comprendre les effets du sel et des acides sur les blancs, je vous invite à consulter le cours vidéo sur les meringues.
- Faut-il vieillir les blancs? Beaucoup de pâtissiers préconisent de séparer les blancs des jaunes la veille voire quelques jours avant la préparation de la meringue, pour faciliter le foisonnement. C’est possible, mais je ne me prononcerai pas là-dessus : les études à ce sujet ne s’entendent pas toutes sur l’intérêt de cette pratique. Dans tous les cas, vous ne risquez rien à le faire ! Et comme souvent en pâtisserie, c’est aussi une affaire de tests.
- Du sucre en poudre, également appelé sucre semoule. Pour la quantité, c’est très simple : doublez le poids des blancs d’œuf. Si vous souhaitez désucrer, vous pouvez, mais pas à plus de 10 à 20% : au-delà, vous allez déstabiliser la meringue qui n’aura plus les bonnes proportions.
- Eventuellement, du sucre glace: remplacez la moitié du sucre en poudre par du sucre glace. Il fait briller la meringue et fond mieux à l’intérieur.
- Eventuellement, du colorant: si vous souhaitez vous amuser un peu ! Préférez un colorant en poudre qui n’ajoute pas d’eau dans la meringue. Vous pourrez même vous amuser à réaliser des meringues marbrées ou bicolores, comme expliqué dans le cours vidéo sur les meringues.
Je suis au quatrième étage. De là où je suis, je peux observer les carottes se tourner de chaque côté pour bien s’imprégner de la fraîcheur du givre, et les querelles incessantes entre la crème entière et la crème allégée – l’une aurait été interviewée par Fou de pâtisserie, l’autre par Cosmopolitan, et elle se battent maintenant pour déterminer laquelle des deux est la plus célèbre. Au moins, l’ennui se fait déjà moins ressentir. Le soleil n’arrive pas jusqu’ici, et je n’aperçois ses cycles que par périodes de quelques minutes, lorsque la porte s’entrouvre : à vue de nez, je dirais que cela fait environ douze heures que je patiente ici.
Je n’ai pas eu de nouvelles de mon blanc d’œuf. Je n’ai pu qu’entendre de terrifiants bruits me parvenir de l’autre côté de la paroi : contrairement à mes précédentes craintes, il n’y a pas eu de coup de feu ; en revanche, j’ai entendu durant de longues minutes des coups de fouets incessants balayer l’air. Je ne sais plus maintenant si je reverrai mon compagnon vivant. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de lui, s’il s’est fait battre, s’il va bien et s’il se souvient de moi. Moi, je ne songe qu’à lui – tout du moins, lorsque j’arrive à m’entendre penser entre deux insultes crémières.
Le temps passe et l’espoir me quitte. A chaque ouverture de la porte, je désespère de ne pas constater le retour de mon tendre, et j’avoue lorgner un peu plus chaque fois sur le rebord de l’étage sur lequel je repose : peut-être bondirai-je, à la prochaine occasion, hors de la chambre froide, et m’écraserai-je au sol en omelette, où la douleur physique saura remplacer la souffrance du manque de mon blanc d’œuf chéri…
Fabriquer une meringue
Mais qu’a-t-il bien pu arriver à ce blanc d’œuf ? Dans la meringue, tout repose sur le foisonnement : l’ajout d’air qui va faire monter le mélange des blancs d’œuf. Alors on fouette vaillamment. Mais pas trop : agitée trop longuement, la meringue risque de retomber. Et pas trop vite non plus : on démarre doucement, puis on accélère progressivement la vitesse, avant de finir très vite pour serrer la meringue : la meringue obtenue sera plus stable.
Le sucre en poudre, lui, est ajouté progressivement : on attend sa dissolution complète entre chaque ajout. Et qu’en est-il du sucre glace ? Vous avez deux options : soit le mélanger au sucre en poudre et l’ajouter en même temps, soit l’ajouter à la maryse à la toute fin. Le colorant est également ajouté à la fin.
Très bien, mais tout cela ne nous permet pas de comprendre ce qu’il se passe exactement lorsqu’on prépare une meringue : pour découvrir les processus chimiques à l’œuvre dans la préparation d’une meringue, je vous invite à visionner le cours vidéo dédié aux meringues. Vous serez ainsi parfaitement renseigné sur le fonctionnement d’une meringue, et pourrez donc la maîtriser avec précision et la corriger en cas de résultat décevant.
Si vous souhaitez des recettes détaillées de meringue, je vous invite à consulter cet article qui détaille les recettes des trois meringues connues : la française, l’italienne et la suisse. Et pour visionner leur préparation, direction le cours vidéo !
Douze heures encore ont passé, et je suis au désespoir le plus complet et le plus profond, à quelques centimètres du bord. Je ne crois plus en rien, lorsque la porte s’entrouvre de nouveau. Mon heure est venue. Je m’apprête à franchir le dernier centimètre qui me sépare de la chute, lorsqu’une main me saisit et que je m’envole dans les airs. Quelques secondes plus tard, je suis déposé de nouveau sur le champ de bataille, bien plus propre qu’auparavant et débarrassé de ses instruments de torture. J’aperçois le grand bol en inox dans lequel reposait mon cher blanc d’œuf, mais aucun indice ne me permet de savoir s’il s’y trouve toujours.
Le quart d’heure qui a suivi m’a laissé des souvenirs fort brumeux : je me souviens avoir été attaqué par des acides agressifs, avoir eu très chaud et m’être alourdi d’un coup, tandis qu’une douce odeur de citron m’enveloppait. La lame d’un mixer plongeant m’a ensuite charcuté dans tous les sens et j’ai perdu connaissance.
Mais je ne regrette rien de ce martyre : à mon réveil, le miracle s’est produit. J’ai senti contre moi la douce odeur de mon tendre blanc d’œuf. Bien qu’il soit différent d’hier, je reconnais sa souplesse, ses tendres caresses, sa mièvre gentillesse. Et surtout, il est devenu magnifique : il brille de mille feux, serpente en vague sur ma surface, et dégage un arôme sucré d’une incroyable gourmandise. Lui aussi semble me trouver encore plus flamboyant que je ne l’ai été : il découvre mon acidité, aime ma teinte jaune adoucie, se plaît de ma lisse fluidité. Nous nous dévorons doucement, tandis que nous entendons un homme crier d’un air mécontent : « Mais qui a mangé de la tarte au citron meringuée ?! »
Pochage, cuisson et conservation de la meringue
Notre blanc d’œuf monté en meringue a donc été poché, probablement à la douille St Honoré qui permet d’obtenir de jolies vagues, sur cette tarte au citron meringuée. Les pochages de meringues sont infinis : à la cuillère, à la douille, en cercle, en couronne, en sucette, en forme de lune… Libérez votre créativité ! C’est ce que je vous invite à faire en vous montrant toutes les possibilités de la meringue dans le cours vidéo dédié. Ensuite, c’est à vous de vous amuser !
Ensuite, la cuisson : notre meringue de tarte au citron a bien de la chance, elle n’est pas passée au four. C’est parce qu’elle est italienne ! Mais les meringues françaises et suisses n’auront pas cette chance : une fois pochées, direction le four. Et là, bien malin celui qui saura affirmer avec certitude durée et température une bonne fois pour toutes. Cela dépend de votre four et de la taille de vos meringues. Pour des petites meringues (de la taille d’une fraise, par exemple), comptez à partir de 45 minutes à 90°. Pour des meringues plus grosses, il faudra compter deux à trois heures. Augmentez la température si vous êtes plus pressé(e), mais attention à la coloration. Jouez également sur la durée pour des meringues plus ou moins fondantes. De mon côté, en bonne scientifique, j’ai réalisé une série de tests de température et durée, et je vous les montre dans le cours vidéo dédié aux meringues : vous pourrez y visualiser les différences de résultat.
Enfin, la conservation :
- Pour des meringues cuites au four, à température ambiante dans un endroit sec, dans une boîte hermétique, pendant plusieurs semaines (ou beaucoup moins si vous êtes entouré(e) de gourmand(e)s !).
- Pour la meringue italienne, quarante-huit heures au réfrigérateur.
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